Il y a sans nul doute une approche intuitive. Travailler la terre c’est une rencontre avec le matériau qui est basée sur l’altérité. Tant qu’on n’a pas mis les mains dedans, on n’a pas cette lecture, mais c’est vraiment quelque chose de très singulier. C’est aussi un moment suspendu. C’est ce qui est très agréable avec le travail de l’argile, on est dans une immersion totale. Dans cette relation qui se crée, on est presque en huis clos, ce qui donne une réelle capacité à déconnecter. Ce n’est pas ce que je cherche ni ce qui m’intéresse en soi, mais c’est quelque chose qui se produit. Ce qui me passionne vraiment c’est ce que raconte le matériau, la manière de le travailler et ce que cela apporte. Le toucher est bien sûr une composante essentielle. Et j’attache beaucoup d’importance à ce que les personnes touchent les pièces, car je pense qu’on ne les appréhende pas de la même manière en les regardant qu’en les touchant. Le travail de texture, de rendu comme par exemple le principe d’émaillage, il faut l’appréhender avec le toucher parce qu’il y a des reliefs et des textures que les yeux ne lisent pas, ou qu’ils lisent partiellement. Sur la question des sens, je développe tout un travail sur la cire d’abeille qui permet d’ajouter une dimension olfactive. Enfin, il y a un autre élément que j’aime beaucoup dans la terre, c’est le fait de l’écouter. La terre est sonore, une pièce fait en quelque sorte caisse de résonance, et ce qui est incroyable c’est qu’en manipulant la terre on a des sons qui apparaissent. Je travaille essentiellement à basse température sur les cuissons et la terre conserve un son ouvert, et non un son sourd, plus caractéristique des cuissons à haute température.