Une conversation avec

Manuel Diaz

Quelques rayons de soleil apparaissent enfin dans le ciel parisien. Nous sommes dans le quartier bouillonnant de Montorgueil, et Manuel nous accueille dans les locaux d’Emakina, l’entreprise qu'il a fondée en 1997 et qui est rapidement devenue l'un des plus grands groupes indépendants de communication digitale dans le monde.


Leur mission ? Assurer la transformation digitale de leurs clients. Aujourd’hui, Manuel est entouré de plus de 1000 collaborateurs à travers le monde. Il est l’auteur du livre «Tous digitalisés» et intervient dans de nombreuses conférences.

Nous nous installons dans son bureau, aux poutres apparentes et design moderne. Les plantes By Charlot se fondent dans le décor et agrémentent d’une touche de verdure la table basse et la salle de réunion. Une bougie se glisse entre les livres de la bibliothèque placée dans l’open-space. Manuel précise que chacun peut y piocher dedans au gré de ses envies…



Bonjour Manuel. Qui êtes-vous ?

Bonjour, je m’appelle Manuel Diaz, je suis entrepreneur, auteur, et un peu youtubeur.

L’année 2020 a été particulière et difficile pour tout le monde, qu’en retenez-vous sur les plans professionnel et personnel ?

L’année a été particulière dans le sens où elle nous a mis sous tension les uns et les autres. Elle a éprouvé je crois la modernité des entreprises, c’est-à-dire la capacité à continuer à travailler malgré les distances géographiques, et elle a été pour moi la véritable année de la transformation numérique. Cela faisait des années qu’on avait des outils pour travailler à distance mais on ne s’en servait pas vraiment. Il a fallu qu’on les mette en œuvre, qu’on s’en empare, et qu’on apprenne à travailler avec les instruments d’aujourd’hui.

Aujourd’hui, vous conseilleriez à un jeune de 18 ans de se lancer dans l’entreprenEUriat, malgré le contexte actuel ?

Je pense que quand on se lance dans l’entrepreneuriat, ça n’a pas de relation avec le contexte. C’est qu’on est poussé par une force qui est tellement puissante, qu’on ne peut pas faire autrement que de poursuivre sa vision, son projet, son énergie…
Donc oui le contexte a son importance, mais si on vise l’excellence et qu’on est porté par la puissance de son projet, il n’y a pas de très bon ou de très mauvais moment, il y a juste à créer le momentum pour y arriver.


C’est quoi être un bon entrepreneur aujourd’hui ?

Pour moi être un bon entrepreneur, c’est reconnaître qu’on va avoir besoin d’assembler des forces et de la diversité autour d’un projet, d’une vision, et qu’on ne va pas être assez fort pour le faire seul. On va le faire en groupe et ça va être beaucoup plus fun, plus plaisant, et beaucoup plus grand en le faisant à plusieurs. Donc je pense qu’il faut distinguer la volonté de liberté de la volonté d’entreprise, qui sont deux choses différentes.

Donc pour vous, être entrepreneur c’est forcément avoir un associé et donc une équipe ? On ne peut pas se lancer seul ?

Si bien sûr, on peut se lancer seul. Mais on est aussi entrepreneur avec un écosystème, on peut être entrepreneur en travaillant avec des freelances, des sous-traitants, des partenaires, etc… Mais être entrepreneur c’est avoir cette force motrice qui emmène les autres avec vous, peu importe la nature de votre relation contractuelle avec eux. Votre projet est suffisamment fort pour fédérer des personnes autour de vous et leur donner envie de le servir aussi bien que vous, c’est ça être entrepreneur.


« Être entrepreneur c’est avoir cette force motrice qui emmène les autres avec vous. »
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Manuel Diaz, Emakina

Quelle plante By Charlot représente le mieux l’entrepreneur de demain ? Et quelle est celle qui vous ressemble le plus ?

J’aimerais dire L’Élégante parce que les entrepreneurs peuvent être un peu bulldozers et ils manquent parfois d’élégance. Et ce qui me ressemble le plus ce n’est peut-être pas une plante mais plutôt une bougie, dans la gamme By Charlot, qui serait Le Raffiné. J’aime bien les choses raffinées, la subtilité.

Vous vous dites timide. Pourtant, vous répondez à beaucoup d’interviews, intervenez dans des conférences ou sur des plateaux télévisés. Comment avez-vous travaillé là-dessus ?

Je suis toujours timide, mais je suis un timide qui se soigne ! J’essaye surtout de beaucoup travailler pour me forger des convictions et les partager, ou de confronter ces convictions à des points de vue opposés, parce que c’est comme ça qu’on progresse. Et je me rends compte que raisonner seul n’apporte pas grand-chose, donc finalement interagir avec les autres et le reste du monde c’est ce qui me fait le plus progresser.


Pour maîtriser ou dompter votre peur, faites-vous appel à des techniques comme le yoga ou la méditation, très à la mode en ce moment ?

Alors, moi je suis très nul dans tout ce qui est yoga ou méditation. Je sais que c’est très Côte Ouest comme approche. Tous mes potes qui sont dans la Silicon Valley font ça, moi je n’y suis pas très réceptif, mais je fais beaucoup de sport. J’essaye de reconnecter avec des choses très concrètes comme de la douleur, des courbatures, … Ne pas oublier qu’on n'est pas que des esprits, mais qu’on est aussi relié à une corporalité. Tout ça rend très humble de se reconnecter à des choses matérielles, à ses difficultés et ses objectifs. Ça apprend aussi la patience donc voilà, je fais du fitness ou du crossfit car j’aime être rigoureux par rapport au corps.


D’après vous, “rien n’arrête l’innovation, elle avale tout, transforme tout et tout le monde”. Ça peut faire peur, non ?

Ce n’est pas de moi mais c’est vrai que l’innovation dévore tout sur son passage. La nature humaine a tendance à prendre la ligne de plus grande pente, ce qui s’appelle plus simplement la facilité. Aujourd’hui c’est très compliqué d’expliquer à un adolescent qu’il va devoir attendre une heure précise et un jour précis pour voir la suite de sa série. Il a été élevé grosso modo dans la délinéarisation des médias, dans Netflix, etc etc. Et ça et bien on ne va pas pouvoir le défaire, parce que maintenant c’est installé. Et en innovation c’est exactement la même chose.

Vous trouvez ça inquiétant ?

Je ne trouve pas du tout ça inquiétant. Ce qui peut être inquiétant, c’est les comportements que cela induit. L’innovation et la technologie c’est exactement comme un outil. Avec un marteau vous pouvez être un sculpteur magnifique, ou un assassin. À vous de choisir ce que vous allez faire avec. Donc plus il y a de l’innovation, plus ça nous demande d’exprimer encore plus de moralité, d’humanité, d’éducation vis-à-vis des plus jeunes. Mais ce n’est pas en freinant l’innovation qu’on va se protéger des risques, non c’est en étant de meilleurs humains, plus éclairés et plus intelligents, que l’on pourra profiter des opportunités et limiter les risques.



C’est important pour vous de vous sentir bien dans vos bureaux ? C’est vous qui vous êtes occupé de la déco ?

Oui pour moi c’est très important, que ce soit à mon bureau, chez moi ou dans les lieux que je fréquente. J’estime qu’à la façon des plantes, on est très réceptif à notre environnement, et cela induit un comportement qui peut varier en fonction du contexte dans lequel on vit. Donc j’y suis extrêmement attentif, je m’occupe du design et de la déco de tous ces lieux, ce bureau mais aussi d’autres endroits que je fréquente et qui sont importants pour moi. J’y ai même quelques obsessions, je dois le confesser… Comme le fait que les choses soient bien rangées, ou d’être entouré des livres qui ont compté pour moi afin d’y jeter un regard pour me rappeler de 2-3 choses de temps en temps. J’ai besoin de ces points de repère dans mon environnement.


« J’estime qu’à la façon des plantes, on est très réceptif à notre environnement, et cela induit un comportement qui peut varier en fonction du contexte dans lequel on vit. »

Manuel Diaz, Emakina

Justement j’ai vu que vous lisiez beaucoup, est-ce qu’un monde totalement digitalisé ne va pas signer l’arrêt de mort des beaux livres, du papier ?

Sûrement pas ! Je pense que le livre se porte très bien, et les livres d’art en particulier. Il y a une librairie que j’adore à Paris qui s’appelle la librairie Gallieni et qui est un lieu extraordinaire. Je pense qu’on ne lit plus de la même façon certains livres comme les romans par exemple, qu’on peut lire de plein de manières différentes, sur une tablette, un Kindle, ou sur du papier. Mais par contre pour les livres d’art le papier est irremplaçable. Le toucher du livre, le rapport au papier, la qualité d’édition qui va donner un aspect particulier au travail photographique par exemple… C’est fascinant.

Si on pioche dans votre bibliothèque, vous avez des livres à nous conseiller ?

Plein ! Sur plein de secteurs différents… Si vous voulez parler d’entrepreneuriat je citerais L’art de se lancer de Guy Kawasaki ou Start with why de Simon Sinek. Si vous parlez de photo, je vous parlerais de n’importe quel livre de photo de Karl Lagerfeld. Si vous évoquez le design ou la vision je vous conseillerais le livre de Doug Menuez sur Steve Jobs. Bref il y a plein de choses à lire c’est passionnant.



« Tout ça rend très humble de se reconnecter à des choses matérielles, à ses difficultés et ses objectifs. »
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Manuel Diaz, Emakina

Passez-vous plus de temps chez vous ou au bureau ? En mode digital détox ou full écrans ?

Alors c’est très simple, même un peu pathétique d’ailleurs : si vous prenez 100% de mon temps sur Terre, je passe 90% de ce temps à mon bureau ou chez moi. Donc vous comprenez l’importance de ces deux lieux. Ça ne laisse que 10% de temps ailleurs…. Souvent dans la nature lors de voyages vers des contrées que j’adore comme le Japon ou d’autres. Donc oui je passe beaucoup de temps au bureau ou chez moi, et j’aime avoir de la technologie autour de moi lorsqu’elle est utile. Elle me permet de gagner du temps ou d’accéder à des choses qui seraient plus difficiles à atteindre sans. J’aime la technologie élégante, donc je vais être entouré d’écrans mais ils ne vont pas être systématiquement en plein milieu de la pièce, ultra visibles ou toujours allumés. Chez moi j’ai 10 HomePods mini, ils sont tout petits, on ne les voit pas beaucoup vu qu’ils sont planqués, mais j’adore pouvoir dire à mon HomePod « Tiens joue-moi ce podcast, ou mets-moi cette chanson… », ça c’est utile et élégant.

Mais vous ne ressentez jamais le besoin en vacances de déconnecter complètement de tout ce qui est digital ?

Déconnecter totalement ça m’arrive de temps en temps mais j’angoisse quand même un peu au bout d’un moment… Pas dans l’optique de communiquer avec le reste du monde mais parce que j’utilise la technologie pour plein de choses. Mon AppleWatch par exemple va m’indiquer mes performances sportives, et elle m’aide à m’entrainer mieux, à aller plus loin. Donc j’ai du mal à me séparer de toute la technologie mais je n’ai pas de difficultés à me mettre en mode Do not disturb à certains moments.

Avez-vous des passions, des centres d’intérêt éloignés du monde de l’entreprenEUriat et des nouvelles technologies ?

Plein. J’adore l’artisanat de façon générale, donc je passe beaucoup de temps à aller voir des copains qui sont boulangers ou tailleurs. En fait je les trouve fascinants car ils font quelque chose de leurs dix doigts, alors que nous dans les nouvelles technologies à part un clavier et une souris on ne fait pas grand chose, et on est un peu des handicapés de la vraie vie !

Ils vous apprennent leurs métiers ?

Ils essayent mais ils se marrent surtout !! J’ai des potes boulangers qui sont "Meilleur Ouvrier de France" donc on est dans un niveau qui relève de l’art. Ou d’autres amis qui fabriquent des vêtements pensés pour nous, qui vont être jolis et bien coupés. C’est quand même magnifique comme métier…

— Photographies et texte : Andrane de Barry

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